La magie du pont neuf

En juin 2014, l’historien de la magie Philippe Saint-Laurent a  découvert un manuscrit inédit et inconnu de la plupart d’entre nous, qui  décrit et explique en détail les tours des bateleurs de plein vent  actifs sur le Pont-Neuf de Paris aux alentours de l’an de grâce 1650.

La publication de ce livre unique (jamais publié jusqu’à  maintenant !) constitue un véritable événement pour l’histoire de la  magie, autant par la variété et la qualité de son contenu que par la  personnalité et l’intelligence exceptionnelle de son rédacteur anonyme,  qui place la prestidigitation à un niveau scientifique et technique sans  précédent pour l’époque. Le souci constant de la précision qui anime  l’auteur, à la fois fin lettré et érudit, fait de La Magie du Pont-Neuf un véritable manuel de batelage !

Alors que le livre de Prévost, publié en 1584, décrie les ruses des  bateleurs et l’imposture de leurs « drogueries », et que celui de  Reginald Scot (publié la même année) lutte contre l’obscurantisme et le  fanatisme pour défendre les victimes innocentes des procès de  sorcellerie, La Magie du Pont-Neuf enseigne non seulement les  moyens de se prémunir des charlatans, mais aussi, et c’est là son  originalité et sa grande modernité, à présenter les tours comme un pur  spectacle de divertissement, en précisant la nature et les dimensions  des accessoires et appareils nécessaires à leur exécution, et en  utilisant un vocabulaire spécifique, né du besoin d’identifier les  techniques de base pour faciliter les échanges entre  « professionnels » !

Les explications données par l’auteur et la présentation qu’il  préconise pour l’exécution des tours classiques montrent un souci  constant de précision et de clarté par rapport aux descriptions de ses  illustres prédécesseurs, et une évolution très nette dans la psychologie  de l’illusion.

À l’instar du livre de Prévost, les tours de cartes sont totalement absents dans La Magie du Pont-Neuf,  alors que les cartes à jouer existaient déjà depuis près d’un siècle.  Mais peut-être n’y avait-il pas de cartomanes sur le Pont-Neuf à cause  du vent ! ?

Grâce à ce précieux document, les historiens de la magie verront la prestidigitation au XVIIe siècle d’un œil différent. (R. Vollmer)